Pratiquer le Focusing en Toute Sécurité Avec un Partenaire
Texte tiré du livre d’Ann Weiser Cornell
The Radical Acceptance of Everything,
traduction libre de Danielle Grégoire.
Le processus qui suit s’adresse surtout, mais pas exclusivement, aux nouveaux partenaires en focusing
Essayons de saisir le processus qui me permettra de me sentir suffisamment en sécurité en tant que focusseur pour vivre une bonne séance avec tout écouteur.
Premièrement, nous convenons que l’écouteur reflétera simplement ce que moi, le focusseur, vient de dire sans tenter de me guider. Cela signifie que je suis responsable de mon propre processus. Je sais que je dispose d’un bel espace devant moi qui ne sera pas entravé par l’autre personne. Je sais aussi que je peux prendre le temps qu’il faudra pour trouver quelque chose sans avoir à m’inquiéter d’être interrompu; l’écouteur sera silencieux aussi longtemps que je le serai.
Je sais que l’écouteur sera simplement à me suivre là où je suis et ce, sans essayer d’interpréter, d’analyser, d’anticiper, de mettre ensemble ou même se faire du souci à tenter de comprendre. La simplicité de ce que nous sommes en train de faire ensemble m’apporte une grande paix intérieure. Je vais juste être avec moi-même et l’écouteur va juste être avec moi.
Deuxièmement, nous convenons que mon tour c’est mon tour et que ” le focusseur est le maître “. Mentionnons en passant qu’il ne me revient pas à moi, focusseur, de prendre soin de l’écouteur. Je n’ai pas à me rendre intéressant ou productif pour lui. Je pourrais demeurer silencieux pendant toute la séance et cela serait ok, de la même manière que je pourrais parler un mille à la minute (je ne ferais probablement pas ça mais je le pourrais). Il reviendrait alors à l’écouteur de trouver une façon de me suivre. Voilà notre contrat.
Troisièmement, nous convenons qu’il m’appartient à moi, focusseur, d’écouter à partir de mon sens corporel ce que l’écouteur me reflète et d’exprimer ou simplement ignorer ce qui n’est pas juste ou exact pour moi. De cette façon, le véritable guide de la séance se situe à l’intérieur de moi et il ne laissera rien se produire qui ne serait pas sécuritaire pour moi. Il m’arrivera parfois d’avoir à dire à l’écouteur quelque chose comme : ” pourrais-tu s’il te plaît rester plus collé à ce que je dis ” ou bien : ” je sens que tu me fais une suggestion et j’aimerais juste que tu répètes ce que j’ai dit. ” De cette façon, même si l’écouteur oublie nos règles initiales, celle-ci contribue à me sécuriser.
Quatrièmement, nous convenons que je peux arrêter l’écouteur d’un simple signal de la main (ou d’un signal verbal convenu si la séance a lieu par téléphone) s’il lui arrivait de commencer à parler pendant que quelque chose d’important survenait en moi. Cela fait partie de notre entente qu’il s’agit d’une chose qui ne doit pas le mettre sur la défensive car c’est une éventualité probable que lors d’une séance, quelque chose émerge chez le focusseur qui requiert le silence de la part de l’écouteur à ce moment précis et c’est ok.
Le fait d’avoir ces règles me permet de débuter la séance en prenant le temps d’aller à l’intérieur et d’y inviter ce ” quelque chose ” qui veut se faire connaître à se présenter. Lorsque je reçois le premier ressenti, celui-ci est habituellement très flou et difficile à décrire et donc, je le décris de façon très approximative. Quand l’écouteur me répète mes mots, je les écoute tout en payant une meilleure attention au sens corporel. Des mots plus précis viennent alors et là encore je les écoute en laissant venir le sens corporel. Chaque écho de l’écouteur m’amène de plus en plus profondément dans mon processus.
À la fin de la séance, lors de la rétroaction, je dirai souvent, et c’est positif, que je ne me suis presque pas rendu compte que l’écouteur était là. En respectant l’entente d’être là réellement comme un miroir pour moi, il est devenu transparent : sans cesse présent en tant que personne mais sans pour autant m’obstruer la vue.
Il existe une autre dimension par rapport au sentiment de se sentir en sécurité avec un écouteur. Qu’arrive-t-il lorsque je connais cette personne suffisamment pour éprouver des sentiments envers elle, positifs ou négatifs, qui pourraient interférer avec l’effet miroir? Je me dois alors de commencer la séance en clarifiant cela. Je pourrais vérifier à partir de mon sens corporel dans quelle mesure c’est sûr et correct de dire maintenant ce que je ressens. À ce moment, je le dis et alors l’autre personne reflète en tant qu’écouteur puis vérifie à son tour s’il y a quelque chose qu’elle a besoin ou qu’elle veut me dire.
Dans la plupart des cas, cette clarification de l’espace interpersonnel au début d’une séance ne prendrait que quelques minutes. Je pourrais ensuite demander à mon sens corporel si ça se sent assez en sécurité pour continuer. Lorsque je me laisse guider par cet espace en moi et que l’écouteur fait de même à partir de son centre, il s’ensuit presque invariablement un sentiment de sécurité et de productivité chez l’un et l’autre.